18 Juin 2024

Marion Haerty, championne du monde de snowboard freeride –  gravir le Lobuche entre femmes, une expérience humaine.

Snowboard, la quadruple championne du monde de snowboard freeride Marion Haerty raconte l’ascension du Lobuche entre femmes au Népal au…

Gravir le sommet du Lobuche, le descendre en snowboard et ce en montant une expédition uniquement féminine : tel est le souhait de la quadruple championne du monde de snowboard freeride Marion Haerty. Le film intitulé “ Didi ”, ou grande sœur en népalais relate ce défi physique placé sous le signe de la sororité. Au-delà d’être partenaires de cordée, ces femmes, qu’elles soient snowboardeuse professionnelle, guide de haute montagne, porteuse, sherpa, tissent tout au long de ce voyage un lien d’amitié.

Réinventer une nouvelle / ancienne forme de voyage

Compétition, entraînement, repérage… Le voyage fait partie du quotidien des sportifs de haut niveau. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle Marion Haerty souhaitait devenir athlète professionnelle durant son adolescence “ ça a été la construction d’une passion, grâce au club de snowboard à Chamrousse, au coach, à toutes ces femmes qui ont pu m’inspirer dans les magazines de snowboard que je voyais voyager au travers de plein de projets vidéo et de compétition autour du monde. J’avais envie de faire pareil parce que j’avais envie de voyager.” Bien souvent, les allers-retours en avion s’enchaînent dans un rythme effréné qui alterne aéroport et compétition.

Pour cette excursion au Népal, l’athlète souhaite redéfinir les contours de la notion de voyage. Derrière le projet de l’ascension et la descente en snowboard du Lobuche il y a d’autres volontés : celle de constituer une cordée uniquement avec des femmes népalaises, de découvrir un pays et aussi l’être humain qui y réside. C’est dans ce contexte que s’inscrit le film “Didi”.

À la rencontre de l’humain

C’est avec Dawa Yangzum Sherpa, première guide de haute montagne népalaise officielle certifiée IFMGA, que tout a commencé. “ J’ai eu un gros coup de foudre quand je l’ai rencontrée. […] On est toujours restées en contact. Ça me trottait dans la tête d’aller au Népal […] Avec Alicia Cenci qui était productrice sur ce film, on s’est serrées les coudes,  on a réussi à construire le projet toutes ensemble et rencontrer ces femmes népalaises. “

Dès les premières minutes du film, l’histoire de la relation qui se tisse entre les membres de cette cordée féminine fascine et captive. Danse tik-tok, étirements et postures de yoga, éclats de rire avec pour toile de fond les paysages de montagnes népalaises… Une complicité pure et sans frontières.  “Ça m’a bouleversé de voir le sourire qu’elles avaient alors qu’elles ont des histoires très difficiles. Dawa est actuellement la seule femme guide au Népal qui a fait sa formation à Chamonix. Elle vient de loin, elle a galéré pour en arriver là. Ça secoue beaucoup quand tu es la championne du monde en snowboard et que tu es là à te plaindre parce que la neige n’est pas bonne. Il y a d’autres choses plus importantes dans la vie.”

Marion Haerty nous partage les constats et les leçons de vie qu’elle tire de ce voyage. “Ce qui m’a énormément choqué et touché c’est que ces femmes n’ont rien. Nous, on a tout pour être heureux entre guillemets dans la consommation. Avec nos voitures, nos téléphones etc. Leur “chez-elle” dans leur village, c’est quatre murs, un pain et une chaise. Ça met une grosse claque […] parce qu’elles sont heureuses, gentilles, intelligentes, solidaires entre elles. J’ai rarement retrouvé ça en France.” Elle raconte une communauté de femmes ou règne la bienveillance, la collectivité, l’entraide, le partage. 


Dans ce pays niché entre l’Inde et la Chine, la mère et la “Didi”, grande sœur en népalais, sont des figures importantes au sein de la famille et de la communauté. La guide de haute montagne Dawa, ou “Queen of Himalayas” comme ils la surnomment au Népal est une Didi pour de nombreuses personnes. Son ascension (dans tous les sens du terme) et son récit de vie sont sources d’inspirations. Elle ouvre la voie à des jeunes et rend accessibles des rêves qui ne l’étaient pas une dizaine d’années avant : devenir un guide femme au Népal. Son rêve, comme elle l’explique dans le film, serait d’avoir une entreprise où elles pourraient embaucher des femmes qui organisent des treks au Népal afin que ces dernières puissent subvenir à leurs besoins.” Dawa a beaucoup d’initiatives pour aider ses femmes à prendre leur indépendance et apprendre leur propre job dans la vallée du Kumbu. “ Même en ayant des métiers tout aussi difficiles que sherpas et  porteuses, elles tiennent à leur indépendance de femmes pour pouvoir aller acheter leur petite robe à Katmandou et partager de superbes moments entre copines en montagne.”


Si les articles, livres, récits de voyages narrent l’exploit des alpinistes, ils s’abstiennent souvent d’évoquer le rôle des personnes locales sans qui l’excursion ne serait rendue possible. C’est ce que Marion Haerty souhaite mettre en lumière au travers de ce film. “De m’intéresser à elles [ces femmes népalaises], de ne pas juste être là pour mon expédition, de comprendre pourquoi elles faisaient ça, de savoir où elles en étaient dans leur vie etc. Quand à la fin, elles me disent que c’est leur meilleure expédition qu’elles aient jamais faite. J’étais venue pour ça, je n’étais pas juste venue pour mon propre ego, ma propre personne. Hop, je vais aller faire cette montagne et ciao bonsoir ! C’était un message, une solidarité féminine à faire passer : la sororité.”

Se détacher de la pression et de la performance 

Descendre la face du Lobuche (6 119 mètres) en snowboard était l’un des objectifs de la championne du monde Marion Haerty. La montagne, saupoudrée d’une neige verglacée qui crisse sous les carres, en a décidé autrement. L’athlète n’en est pas déçue pour autant “J’étais déjà tellement contente d’arriver au sommet, d’avoir réussi à rassembler ces femmes, d’avoir trouvé les budgets pour le faire. En soi, la performance, ça n’est pas grave, on la fait en compétition.“ Ce projet, elle a souhaité le réaliser loin de la compétition, de la pression des records et des médailles. “Sur cette expédition, j’avais vraiment envie de faire les choses pour moi et de ne rien avoir à prouver.” 

La montagne a été le berceau de belles rencontres. “Cette passion de la montagne est internationale. Il n’y a pas de barrière de la langue, il n’y a pas de barrière politique. C’est ce que j’ai trouvé beau dans cette aventure. Même si certaines d’entre elles ne parlaient pas anglais il y a eu un échange humain qui était très fort parce que la montagne nous relie. Cette envie de se donner cette solidarité entre femmes pour y arriver toutes ensemble.”

À chacune sa quête et sa propre émancipation

Crise d’adolescence, être une athlète femme dans le monde du snowboard

À la différence de certains athlètes professionnels de haut niveau, Marion Haerty n’est pas issue d’une famille pratiquant les sports en montagne. Elle s’y est initiée seule, à Chamrousse, tout près de Grenoble. “J’ai rencontré des copains qui faisaient du snowboard et du ski. C’était un échappatoire, je faisais une bonne crise d’adolescence, j’avais besoin de voir autre chose que l’école. C’était l’occasion pour moi de m’exprimer autrement. C’était un moment juste pour moi.“
Si son titre de quadruple championne du monde de snowboard freeride témoigne de sa grande maitrise, il exige beaucoup de sacrifices et d’autant plus en tant que femme. “On ne se rend pas compte comme c’est dur en fait en tant que femme encore. C’est sûr qu’il y a eu beaucoup d’évolutions ces dernières années. Je me suis mise une pression tellement énorme pour mes titres de championne du monde parce que nous ne sommes que huit femmes et que l’on m’a mis une pression énorme. Maintenant, il y a beaucoup de choses qui remontent. Il y a beaucoup de choses où je suis en colère parce que je me suis battue pour en arriver là. Je n’ai pas juste eu de la chance. Je me suis donnée les moyens pour en arriver là. Je ne me suis pas fait 10 000 fractures dans mon corps pour rien.”

Micheline Rambaud, une source d’inspiration

Parmi ses sources d’inspiration pour ce voyage au Népal, il y a le livre “ Voyage sans retour” de Micheline Rambaud. Il fait le récit de la première expédition himalayenne exclusivement féminine réalisée en 1959 au cours de laquelle 12 femmes partent à l’assaut du Cho-Oyu qui culmine à plus de 8000 mètres. L’auteure, Micheline Rambaud en était la cinéaste. “Son livre est tellement prenant. J’ai eu un coup de cœur et j’avais vraiment envie de la rencontrer. Elle s’en fout de la médiatisation, ce qui lui tient le plus à cœur, c’est cet héritage de Claude Kogan. Son amie qu’elle a perdu dans une avalanche [durant l’expédition]”. explique Marion Haerty. “Tout le chemin qu’elle a parcouru, la personne qu’elle est… Ça me donne une bonne claque. Qu’à 94 ans, on s’intéresse vraiment à elle, à la première expédition féminine, à elle. Je trouve ça dur. C’est un peu triste. Elle a plein de belles choses à raconter.” Lors de la projection du film Didi à l’occasion du festival Femmes en Montagne 2023, Micheline Rambaud comptait parmi le public. Après le visionnage du film, Marion Haerty a été invitée sur scène pour parler du film, elle a fait référence au livre “Voyage sans retour”, à son expédition et a donné la parole à Micheline Rambaud. Un bel hommage de femme à femme, d’une génération à une autre. “Elle fait partie de cette génération de femmes qui nous a ouvert la voie comme Simone Veil, qui se sont battues pour nos droits et rendre l’accès aux femmes en montagne”.
Dans cette même lignée, Marion Haerty ajoute une pierre à l’édifice en publiant le livre jeunesse « Lobuche, une montagne d’amitié » qui raconte son histoire et les belles rencontres qu’elle a faites en Himalaya. “Quand tu rentres dans une librairie, tu as dix bouquins de femmes en montagne et tu as cinq cents livres sur les gars. Micheline Rambaud, elle fait partie de ses seuls petits bouquins qui ont créé quelque chose, qui ont ouvert la voie.” 

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