Découvrez notre table ronde sur la mixité en montagne
Sur l’année 2019, 92,8% des Unes du journal l’Équipe ont été consacrées à des exploits sportifs réalisés par des hommes. En 2022, les femmes guides de haute montagne représentent seulement 3%.
Ces chiffres nous rappellent avec acuité l’invisibilisation des sportives, les stéréotypes de genre avec des métiers dits “masculins” comme le métier de guide, ou encore l’abandon du sport chez les jeunes filles à l’adolescence…
Pour expliquer ces inégalités nous avons réalisé une table ronde sur les inégalités en montagne lors de la troisième édition du festival Femmes en Montagne.
Nous vous proposons de découvrir la rediffusion de cette table ronde aux côtés d’intervenantes expertes dans ce domaine.
Les intervenantes de la table ronde sur la mixité en montagne
Cécile Ottogalli-Mazzacavallo
Historienne, maîtresse de conférences, chercheuse et directrice adjointe au Laboratoire L-VIS (Université de Lyon1). Elle est la fondatrice du parcours de master Egal’APS. Elle a mené des recherches sur la place des femmes dans différents espaces sportifs au cours du 20ème siècle et questionne le rôle des politiques éducatives, fédérales et/ou publiques dans la production ou la réduction des inégalités entre les sexes. Elle travaille actuellement dans une perspective d’histoire du temps présent sur les politiques sportives territoriales sous l’angle des études de genre. Vous pouvez également la retrouver dans la série “toutes musclé” disponible sur Arte
Alix Parfait
Doctorante au sein de la Fédération Française de Boxe et de l’université lyon1, spécialiste des questions de mixité et de non-mixité dans les pratiques sportives.
Elles sont également au côté du Festival dans le cadre de la tournée des scolaires (mettre lien de la page) et s’occupent de traiter et de l’analyse des résultats de l’enquête.
Fabienne Gillonnier
Vice présidente à l’égalité Femmes-Hommes et culture à l’Université Savoie Mont Blanc et docteure en professionnalisation des femmes dans les sports de glisse d’hiver au 20è siècle sur les enjeux de genre et des corps dans les territoires de montagne.
Maud Vanpoulle
Guide de haute montagne et docteure en accidentologie dans les sports de montagne. Sa thèse à été soutenue par la Fondation Petzl. Elle est passée par l’ENAF avant de devenir guide, et a encadré l’équipe du GAF 73-74.
Les thèmes abordés lors de la table ronde sur la mixité en montagne:
- La tournées des scolaires et l’importance de son impact sur la jeune génération ainsi que les premiers résultats de l’enquête.
- La place de la femme dans le milieu de la montagne a travers le prisme du monitorat de ski alpin.
- L’importance des groupes non mixtes dans la pratique sportive des femmes en montagne.
- Les leviers et les freins que peut avoir une femme à se lancer dans les sports de montagne.
La tournée des scolaires : la jeune génération et la mixité dans les sports de montagne
La table ronde a été ouverte par la présentation de la Tournée des scolaires et de son impact auprès de la jeune génération. L’objectif est de réaliser un état des lieux sur les pratiques de montagne chez les jeunes scolarisés et de mesurer l’impact de ces films sur leurs représentations à long terme. Cécile Ottogalli-Mazzacavallo et Alixe Parfait se sont donc intéressées aux avis des scolaires sur les inégalités de genre ainsi que l’impact que pouvait avoir l’évolution des représentations des femmes dans le milieu outdoor à travers la médiatisation.
On constate que le milieu des sports de nature ne leur est pas inconnu avec 71% de pratiquants mais que leurs connaissances reste limité concernant ce milieu. Leurs représentations quant à elles sont essentiellement masculines avec 61% d’homme cité comme pratiquant de haut niveau. Cependant ils n’adhèrent pas au stéréotypes de genre proposé et 43% des collégien.nes et 23% des lycéen.nes pensent que les hommes et les femmes sont à égalité dans les sports de montagne. Lorsqu’on interroge ces élèves sur la binarité des sexes, les jeunes hommes ont tendance à montrer des comportements réfractaires concernant les inégalités. La sociologue Cécile Ottogalli-Mazzacavallo interpréter ce comportement par le fait que : “ça peut faire mal de perturber leur vision du monde naturaliste” et donc remettre en question la place de l’homme naturellement plus fort que la femme dans la société. Cela s’explique par des niveaux de prise de conscience différents. On observe également qu’ils n’ont pas toujours de recul sur la construction sociale et naturelle de l’Homme. Ce comportement n’est toutefois pas irréversible, une évolution sur le long terme peut avoir lieu.
Dans sa globalité, cette étude montre que la notion d’inégalité reste mal comprise par le jeune public, qu’ils sont par moment conscient que les femmes peuvent éprouver plus de difficulté à atteindre les mêmes performances qu’un homme mais, qu’à partir du moment où elles y parviennent, il n’y a pas d’inégalité entre les sexes.
L’importance de la non mixité dans la pratique féminine des sports de montagne
Si d’un point de vue historique la mixité était la première bataille des mouvements féministes des années 70, elle a vite montré ses limites. Celle-ci ne signifie pas toujours égalité, au sein d’un groupe mixte les hommes auront tendance plus facilement à prendre le leadership. Cette mixité doit donc être co-construite entre l’enseignant et ses élèves.
“Si on ne change pas fondamentalement la façon dont sont socialisés les jeunes hommes, les jeunes femmes (…). Si on ne change pas fondamentalement la classe des hommes, on lui apprend à avoir des privilèges et à être dominant et avoir un certain nombre de comportement pour affirmer cette dominance (..) la mixité n’est qu’un faux problème”Cécile Ottogalli-Mazzacavallo. La mixité ne doit donc plus être pensée comme uniquement une modalité organisationnelle pour espérer tendre vers plus d’égalité en société mais comme une action politique.
Maud fait ici le parallèle avec son expérience en tant que Guide dans des groupes mixtes et féminin en alpinisme. Elle met tout particulièrement l’accent sur l’importance des groupes non-mixte pour aider les femmes à prendre confiance et à performer dans leurs pratiques. Elle constate également une légère évolution du nombre de pratiquante au cours des dernières années avec l’apparition de ces groupes. Ils ne sont, toutefois, qu’une partie de solution à un problème de bien plus grande ampleur.
H3 : Le ski alpin : une porte ouverte vers la mixité en montagne.
Fabienne Gillonnier nous présente également une partie de son travail sur la mixité en montagne et plus particulièrement dans le domaine du ski alpin. On retrouve ici les mêmes inégalités que dans d’autres milieux. Jusqu’en 1952, le monitorat de ski restera une profession unisexe avec l’exclusion des femmes. Ce n’est qu’après qu’elles feront leur apparition dans ce domaine tout en continuant de subir des discriminations sexuées.
Il faudra attendre 1971, pour qu’il y ait une reconnaissance des diplômes féminins, elles pourront ainsi prétendre uniquement au monitorat de ski enfant. À partir de cette date, elles feront force de proposition et innoveront dans les méthodes pédagogiques, et révolutionneront le milieu du ski alpin.
Ce n’est qu’en 1982 que leur diplôme sera enfin reconnu au même titre que celui des hommes,mais des inégalités persistent. Elles représentent aujourd’hui 23% des moniteurs de ski et continuent de subir des discriminations. Elles sont peu présentes à la gouvernance d’École de ski française au SNMSF, ne réalisent que très peu de cours compétitions et restent majoritairement présentes sur les parcs enfants.
Le diplôme de guide de haute montagne : une mixité en montagne encore difficile à atteindre.
Maud revient sur son parcours, les difficultés qu’elle éprouve à faire valoir sa légitimité dans ce milieu et l’incompréhension des hommes face à l’émergence des groupes exclusivement féminin en montagne. Une chose est sûre, selon elle, il y a encore des barrières à lever pour espérer voir un jour plus de femmes dans ce milieu. Elle évoque les difficultés des femmes à se présenter au probatoire (examen d’entrée à la formation de Guide de haute montagne) , mais plus globalement à pratiquer des sports de montagne. D’un point de vue social, leur créneau de pratique est généralement plus court, pouvant être lié à la maternité. Elles ont également besoin de plus de temps, de plus de recul pour réussir à se lancer, ne leur permettant donc pas toujours d’atteindre le niveau requis pour se présenter à un tel diplôme.
L’émergence des rôles modèles pourrait être un outils pour voir de plus en plus de femme intégrer ce milieu. Nous n’avons que très peu de recul scientifique mais l’on constate que de plus en plus de femme sont présente sur le terrain montagnard , ce qui ne fait que confirmer cette théorie. Cela reste cependant insuffisant pour tendre vers plus de mixité en montagne.
Qu’est-ce qui, si ce n’est pas un manque d’accessibilité aux diplômes, l’émergence des rôles modèles et la possibilité des femmes de pratiquer entre elles, fait qu’aujourd’hui, leur présence dans ce milieu est dérisoire ?
La vision de la femme dans les milieux dits masculin restent encore un problème. De nombreuses femmes, après avoir intégré des milieux d’hommes, mettent fin à leur carrière après 10 à 15 ans. Le procès en incompétence systématique, le sexisme ordinaire et procès de virilité sont des réponses à cette question. Il y a donc un réel problème de culture de l’organisation.