De photographe à réalisatrice, Ramona Waldner fait le lien entre la mer polaire et les cimes du Groenland, entre des navigatrices et des grimpeuses, dans une expédition féminine vers la Via Sedna. Entre les deux univers sportifs, les deux univers artistiques, Ramona Waldner nous livre sa première production de 90 minutes qu’on ne voit pas défiler.

“Cinéaste débutante”, comme elle se décrit, Ramona Walder n’a pas vogué au hasard pour vivre et réaliser Via Sedna. Des expéditions, elle en avait déjà faite en tant que photographe. C’est “sa vie normale” de capter ces instants, figés. Mais en 2022, l’artiste a passé le cap de la réalisation. “C’est vraiment incroyable de voir à quel point les films ont du pouvoir et combien d’émotions ils créent”, assure celle qui compte bien renouveler cette expérience.  “J’ai vraiment envie de faire un autre film, mais je pense que j’ai besoin de récupérer un peu”. 

Quelque chose avec “la voile, l’escalade et une équipe entièrement féminine

Mais avant ce résultat final et bluffant, qui a d’ailleurs remporté le grand prix du jury et du public lors de la dernière édition du festival Femmes en Montagne, il a fallu une rencontre déterminante.

“J’ai connu Caroline North en 2020, en Grèce alors que nous y grimpons et elle m’a parlé de ce projet pour la première fois. Elle m’a dit qu’elle voulait faire quelque chose avec la voile, l’escalade et une équipe entièrement féminine.”

Ce projet, c’est celui de monter une expédition de femmes pour aller ouvrir une voie de Big Wall au Groenland et d’y aller pour cela, depuis La Rochelle à bord d’un voilier piloté par quatre navigatrices.

Une aventure à plus d’un titre. “Dès le début, j’étais totalement excitée, car j’ai toujours été très intéressée par les régions polaires et j’avais toujours rêvé d’y faire une expédition”, raconte Ramona Waldner. Un an plus tard justement, l’alpiniste dit à Ramona : “Il nous faut une cinéaste”

Personne n’a jamais participé à une expédition pareille

J’ai un peu paniqué”, se souvient-elle. Elle prend son téléphone et va chercher de l’aide auprès d’amis qui travaillent dans l’industrie cinématographique. “Je leur ai demandé ce qu’ils en pensaient, ce que je devais faire, si je devais y aller. Heureusement, j’ai eu un grand soutien du coréalisateur Alexander Brucke”. Ce dernier l’invite et lui explique ce qu’il faut savoir avant de partir. Et “je suis allée à l’entraînement avec les filles pour voir comment on pouvait fonctionner ensemble”. 

Montrer les doutes

Au fil du temps la préparation évolue, se perfectionne. Mais Ramona Waldner tâtonne aussi. “J’ai vraiment essayé de montrer dans le film qu’il y avait eu des doutes. Il est important de montrer toutes les forces et les faiblesses, que tout n’a pas toujours été parfait”. “Finalement, aucune personne que je connais n’a jamais participé à une expédition pareille”; insiste-t-elle.

Il a donc fallu construire, planifier. Et s’entraîner. Tant sur l’utilisation du matériel, comme le pilotage de drone, que sur l’aspect sportif. “Le plan, c’était que j’accompagne les grimpeuses jusqu’au mur, donc j’ai dû m’entraîner sur les grandes voies”, raconte cette passionnée d’alpinisme qui a grandi au Tyrol dans les Alpes autrichiennes. Depuis le bateau aussi, Ramona s’est préparée avec les grimpeuses pour garder la forme et perfectionner son pilotage de drone.

Festival Femmes en montagne - Via Sedna

C’était assez difficile. Il y a beaucoup de cordes, il faut penser au vent et garder assez d’énergie pour revenir au bateau qui est en mouvement. C’était toujours super excitant et toute l’équipe était très impliquée dans l’atterrissage”. 

“Les choses changeaient tout le temps”

La réalité de l’expédition bouleverse le plan initial. “Les choses changeaient tout le temps. Nous devions à chaque fois nous adapter à de nouvelles situations.” Par exemple lorsque les conditions météo se dégradent et obligent les grimpeuses à aller plus vite, et donc à être plus légères. “Je suis restée en bas du mur pendant deux jours et demi”.

Équipée de son Canon R5, qui selon la réalisatrice est une bonne solution aussi bien pour la photographie que pour la vidéo, Ramona a pris des photos avec le téléobjectif, des vidéos et piloté les trois drones. Les trois grimpeuses avaient, elles, trois caméras dans leur sac. “Malheureusement, deux des caméras sont tombées du mur le premier jour.” 

Deux équipes qui n’en forment qu’une.

La configuration de l’équipe a aussi nécessité de s’adapter. “Avec mon poste de cinéaste, je faisais partie de l’équipe, mais j’avais l’occasion d’être avec les navigatrices ou avec les grimpeuses. Mais j’ai toujours été consciente que l’équipe serait séparée. Et j’ai toujours pensé que ça pourrait être une histoire intéressante de voir ce que faisaient les deux groupes en même temps”. Pour garder ce lien, l’équipe de la mer a gardé une caméra à bord. “Je ne leur ai pas enseigné avant, je leur ai montré durant le voyage et elles ont pris le relai. Elles aimaient vraiment se filmer !” 

Cet enthousiasme des aventurières, en mer ou en l’air, et de la réalisatrice entre les deux, s’est propagé de l’autre côté de la caméra.

Ainsi, un jour, après la diffusion de Via Sedna, “deux femmes sont venues me voir, raconte la réalisatrice. Elles m’ont dit qu’elles avaient vu le film hier et que c’était vraiment inspirant pour elles. “C’est vraiment incroyable de donner une petite étincelle de nos aventures aux autres”.