Une histoire d’amour, une vie de partage, un projet de famille, mais surtout une aventure humaine. Voilà ce qui pourrait résumer le film Andrea projeté lors de la 5ème édition du festival de films Femmes en Montagne en 2024. Rencontre avec les protagonistes Nina Caprez et Jérémy Bernard.
Par Salomé Hiez
Une histoire d’amour avant tout
Nina est une grimpeuse professionnelle suisse et côtoie le haut niveau de l’escalade depuis 15 ans. Jeune maman, amoureuse de la vie, de l’aventure, des voyages, elle a été bercée par les valeurs du sport qu’elle souhaite aujourd’hui transmettre. Elle se nourrit de sa passion : l’escalade. Andrea est “un projet du cœur” nous dit-elle.
Son conjoint Jérémy a quant à lui fait carrière dans la photographie de ski. Lorsqu’ils se sont rencontrés, ils ont immédiatement été happés par la construction d’une vie à deux mais pas n’importe laquelle : une vie nourrie par leurs passions respectives : le voyage, l’escalade et la photographie. Humanistes, pourrions-nous les qualifier, tel en témoigne ce film d’une tendresse poignante. Rien de surprenant lorsque Nina nous dit : “Aller à la rencontre des gens est ce qui nous a motivé le plus.”
Un film de partage
Nina a été très inspirée par l’association suisse Climbaid, qui réalise notamment de nombreuses actions au Liban. L’association a construit un pont d’escalade sur un camion, qui se déplace à travers les camps pour faire découvrir la grimpe aux réfugiés. Elle s’est alors rendue compte de la puissance et de la force que ce sport pouvait susciter. Avec Jérémy, ils ont donc décidé de construire, eux aussi, un pont amovible sur leur véhicule.
L’aventure était lancée.
L’hymne des émotions
Il aura fallu 4 ans pour que ce projet voit le jour. Un projet qui mélange voyage et grimpe, dont le but était de se ressourcer au plus proche de la nature, mais pas que ! Cette aventure les a guidés vers un projet d’une autre dimension : un projet social et humanitaire. Face à l’imprévu, comment venir en aide aux populations dans le besoin ? Nina et Jérémy, par leur adaptabilité et leur dévouement, ont utilisé les moyens dont ils disposaient, à savoir un mur d’escalade, de la passion, du partage et beaucoup de générosité. Nina, Jérémy, Lya leur petite fille d’un an et Pauline, une bénévole engagée dans leur projet, ont alors traversé l’Atlas au Maroc à la rencontre de ses habitants, de sa culture et de leur vie. Jérémy transmet avec beaucoup d’émotions : “Sans Pauline, ce serait impossible”.
Nina explique que “c’était parfois éprouvant”. Elle raconte notamment le tremblement de terre qui a touché le Maroc lors de leur périple. Ce qui a transformé le but premier de ce voyage pour finalement l’enrichir de valeurs humaines inestimables. Elle raconte : “ça a fait ressortir beaucoup de forces en moi dont je ne soupçonnais pas.” Par ces expériences, son conjoint s’est prêté au jeu et s’est intégré très fortement dans le milieu de l’escalade. Ce projet est alors vraiment devenu commun aux amoureux : pour le transmettre certes, mais aussi pour eux. Ces péripéties d’aventure ont d’ailleurs renforcé le lien qui unissait le couple : parfois elle craque, lui la relève. “L’amour très puissant entre nous parents, donne de l’équilibre à notre fille” nous confie-t-elle.
Et puis, c’est dans cette vie de baroudeuse que Nina est devenue maman. Une aventure en elle-même, un chemin d’exploration de la maternité inoubliable. Elle nous raconte : “Plein de fois, tu te demandes si ce que tu fais est bien ou pas ? On culpabilise et on se pose 10 000 questions. Cela fait beaucoup à apprendre ». Aujourd’hui, elle commence à “comprendre comment ça fonctionne”. Son rôle de mère évolue avec l’évolution de sa fille.
Un voyage riche d’enseignements
Ce voyage a été très formateur.
Voyager dans un pays d’une culture différente de la leur, dans un pays musulman, aurait pu être challengeant dans leur mode de vie. Nina témoigne de sa vision sur cette culture et nous dit avoir été étonnée par l’ouverture d’esprit des hommes et des femmes, de l’inclusion qui règne entre eux. Le respect est mutuel, et l’acceptation de l’autre est une vraie force au sein de leur communauté. Jérémy quant à lui gérait la nourriture et approvisionnait les habitants en biens de première nécessité. Au gré de leur présence sur le terrain, d’autres hommes marocains l’accompagnaient pour aller acheter “le gros” au marché. Cette organisation s’est faite naturellement, nous dit-elle.
Elle a conscience aussi que leur couple a bousculé certains codes. “Pour eux, voir que Jérémy et moi on s’embrasse, montre qu’on a de la tendresse, qu’on se prend dans les bras et qu’on est assez tactiles” à développer un mimétisme dont elle nous fait part avec pudeur. C’était beau de voir que les hommes entre eux ont lâché cette timidité et ont exprimé leurs émotions.
Finalement, un voyage initiatique
Un film relatant de performances sportives certes, vous l’aurez compris, mais le but était de transmettre leur passion pour l’escalade.
Depuis son enfance, Nina vit à travers ce sport qui l’accompagne dans toutes les périodes de sa vie notamment durant ses grossesses. Elle dit : “Avant, j’étais une étoile assez inaccessible, et aujourd’hui avec une famille, et un projet destiné à être partagé, cela prend une autre dimension.”
Une dimension qui pour l’instant s’éloigne de la performance en compétition pour pouvoir en parallèle endosser son rôle de maman. Sa pratique plus douce lui donne du temps pour récupérer de ses grossesses. Peut-être qu’elle reviendra à la performance, mais elle ne ressent pas le besoin d’y retourner aujourd’hui.
En étant focus sur la performance et les résultats, Nina était très exigeante envers elle-même. Elle souligne d’ailleurs le courage de ses consœurs, réalisatrices de film durant le Festival, pour lesquelles elle partage son admiration, de témoigner de sujets tels qu’être maman seule, partager des histoires d’amour et sortir de la performance pure.
Une interview à découvrir aussi en format vidéo sur Instagram.
