Svana Bjarnason, grimpeuse française d’origine islandaise, protagoniste du film “Climbing from the Ashes” a filmé son ascension de la célèbre voie d’escalade catalane : la mythique Oliana. Film projeté lors de la 5ème édition du festival de films Femmes en Montagne en 2024.
Un film qui ne devait pas en être un, un récit de performance dont l’objectif n’est pas de documenter un exploit sportif, vers quoi Svana va-t-elle nous embarquer ?
Par Salomé Hiez
L’escalade, au début, très peu pour elle !
Svana commence à grimper vers l’âge de 10 ans pour suivre sa mère et son frère, mais ses débuts ne sont pas concluants ; elle n’apprécie pas tellement cet effort. Puis, elle découvre son potentiel en affrontant d’autres concurrentes, nourrit son esprit compet’, et la voilà tombée dans la marmite de l’escalade. Embarquée dans la merveilleuse aventure de la grimpe de haut niveau, elle intègre l’équipe de France junior et se mesure aux parois vertigineuses des falaises pendant 10 ans. Puis, un an et demi avant le tournage du film, Svana se lance dans un pari fou : tenter de se qualifier pour les Jeux Olympiques. Par manque de temps, elle ne parvient malheureusement pas à atteindre le niveau requis, mais elle aura vécu une expérience inoubliable sur les chemins des plus grand·e·s. Elle se consacre aujourd’hui avec autant d’envie et de passion aux compétitions de Coupe du Monde, à voyager et « à regrimper sur du plastique » comme elle aime si bien dire.
Grimper des falaises vertigineuses au prix de quel entraînement physique et mental ?
Pour escalader Oliana, Svana et son entraîneure Mélissa Le Nevé ont travaillé en duo. Mélissa lui transmettait chaque semaine ses plans d’entraînement. Pour atteindre un haut niveau de performance, il est essentiel de consacrer l’hiver à la préparation physique générale avant d’entamer le spécifique sur les falaises en période estivale. Svana grimpe environ 5/6 fois par semaine. Avec son expérience, elle est capable maintenant de discerner les périodes où le repos s’impose, surtout lorsque l’effort intense est répétitif. Elle espace par exemple les séances d’une journée sur deux.
S’adapter aux fluctuations du corps et du mental
Svana en a bien conscience ; quand le mental n’est pas au rendez-vous, peu importe les capacités physiques insoupçonnées que son corps peut déployer, l’entraînement ne lui sera pas bénéfique. Venant parfois même à la décourager ou à la faire douter. Elle raconte : « ce n’est pas facile de s’écouter et de se dire là ça ne sert à rien, tu mets des essais qui sont moins bons qu’avant, alors c’est un cercle vicieux, car tu te dis que tu n’es pas performante ».
Le mental est le curseur avec lequel il faut jouer : Svana l’a bien compris. Sa tête lui a demandé du repos pour revenir encore plus fort. Ce déclic lui a permis d’ajuster sa philosophie de la grimpe et de l’entraînement, de monter plus sereinement et sans pression, pour parvenir au sommet libérée : « J’ai réussi la voie au moment où dans ma tête, j’ai abandonné, je me suis dit là c’est bon, j’arrête pendant 2 mois, je reviendrai plus tard. Finalement, j’ai randonnée la voie et j’aurais pu la faire 2 fois de suite ! » nous confie-t-elle.
Ce fameux lâcher prise, difficilement domptable, mais d’une puissance salvatrice quand on parvient à vivre le moment présent, geste après geste, pour atteindre son objectif. Coach et psychologue l’accompagnent dans son parcours, pour se diriger ensemble vers la victoire. « Il faut réussir à se détacher de son objectif et se concentrer sur la grimpe, mouvement après mouvement, mais c’est quelque chose qui n’est pas facile à faire, il y a un gros travail de préparation mentale ».
L’escalade, loin d’être un sport individuel
« Une performance, tu ne l’as jamais toute seule en escalade », tel est son témoignage.
Ensemble, la puissance du groupe, du collectif.
Surtout en escalade où la grimpe s’expérimente souvent à deux : quand l’un assure l’autre. Svana partage ses ressentis et ses instants d’émotions lorsqu’elle vit la compétition à travers les encouragements de ses amis et ses proches, tout aussi pris au jeu du défi qu’elle. « On vit un peu tout en même temps ». Ou lorsque, au pied d’une falaise, elle vit aussi intensément l’effort que celui qui tente de grimper la voie. Chacun.e sait l’investissement exigeant de l’entraînement qui a précédé ces ascensions ; cette compréhension mutuelle ne fait que renforcer l’esprit de groupe, nourrit la motivation et rend la victoire plus belle. « Ça donne une émulation de dingue à la falaise » nous dit-elle. Elle parle d’ailleurs de sa famille catalane pour identifier ses copains de cordée, une famille de cœur sur qui elle pourra toujours compter pour l’accompagner et l’assurer sur une voie, arrivant au pied de la falaise, chaussons à la main. « Les gens qui sont là-bas, c’est pas mes potes, c’est ma famille catalane. »
Mais alors, pourquoi ou pour quoi ce film ?
Svana n’avait pas prévu de tourner un film, encore moins de démontrer une performance, c’est « intimidant et ça fait un peu peur » nous dit-elle avant la projection en salle. L’incendie puis ses épreuves de la vie ont finalement nourri ce projet.
Elle a souhaité transmettre les hauts et les bas de la vie, témoigner du travail et du processus qui se cache derrière chaque nouvelle épreuve. Elle nous dit : « Je voulais vraiment que ça parle aux gens » mais surtout « Si tu as un rêve, si tu crois en tes trucs, donne tout, car ça vaut le coup, quoiqu’il arrive ».
Alors, elle espère que Climbing from the Ashes inspirera et motivera d’autres à se réaliser. « Parfois, vous réussissez, d’autres pas, mais finalement, ça n’a pas réellement d’importance, parce qu’on apprend toujours beaucoup sur soi ».
« Giving your best, fighting hard for what you love », conclut-elle. (Donner le meilleur de soi-même, se battre fort pour ce que l’on aime).
Une interview à découvrir aussi en format vidéo sur Instagram.
