Projeté lors de la 5e édition du festival Femmes en Montagne, La Chrysalide suit le passage à l’âge adulte de Thomas, le frère de la réalisatrice, et de ses ami·e·s. Un film intime, tourné à La Clusaz, où Laura Lardeux explore tout autant leur transformation que la sienne. Entre deuil, guérison, et quête de légitimité, elle revient pour nous sur cette expérience profondément personnelle.
Par Clémentine Rousset
Filmer pour résister
Laura confie que réaliser son film a été une nécessité, pour “pallier l’impuissance de tout ce qui se passait à ce moment-là”. La réalisation est pour elle à ce moment-là un moyen de se mettre en action, de résister à des émotions plus difficiles à vivre.
Le titre choisi pour son film et son symbole de chrysalide est fort. Il représente la transformation, la métamorphose, et suit les trajectoires des quatre amis et également celle de Laura avant leur “éclosion”. Durant plusieurs années de tournage, le film de Laura suit leur amitié et la fin de leur adolescence. Période charnière pour Thomas et ses amis, la réalisatrice met en lumière leurs projets et rêves.
Filmer a été pour Laura Lardeux un moyen de s’ancrer dans le moment présent, et de se connecter à la jeunesse à travers celle de son frère. Elle confie d’ailleurs : “je les envie un peu d’avoir des rêves aussi présents et d’avoir énormément d’espoir envers l’avenir. Ils ne pensaient même pas à l’avenir. En vrai, ils étaient très ancrés dans le présent et moi, ce n’était pas mon cas, donc c’était une source d’inspiration”. Durant cette période de tournage, Laura n’avait pas encore trouvé sa “boussole intérieure” comme elle la qualifie, à l’inverse de Thomas et ses ami·e·s.
Elle confie notamment que si elle pensait de prime abord que terminer La Chrysalide lui permettrait de “s’envoler elle aussi”, ce film est plutôt la première étape de sa reconstruction. Laura a eu besoin d’un temps pour “assimiler et digérer ce film qui était très personnel”. C’est en allant sur ses trente-trois ans, soit trois ans après la réalisation de son film, qu’elle commence “à peine à entrevoir ses rêves, à les assumer et à les affirmer”. Des rêves dont celui d’être une réalisatrice tant à l’échelle nationale qu’internationale et d’avoir de la liberté dans la création. De la même façon, elle rêve de vivre libre dans tous les domaines de sa vie.
Un travail d’équipe et de co-création
Comme pour toute création, filmer un documentaire veut dire adopter une posture de réalisateur·ice. Ici, Laura Lardeux complexifie ce rôle. Elle ne peut pas adopter une posture classique de réalisatrice extérieure puisqu’elle fait elle-même partie de l’histoire. Alors entre le rôle de sœur, amie et celui de réalisatrice, comment réussir à inclure chacun·e dans le processus de création, créer du lien et se faire confiance les un·es les autres ?
Le lien entre Laura, Yanis, Jade, Marion et Laura s’est créé pendant la période du Covid. À cause ou grâce à celui-ci, une forte proximité s’est tout de suite installée.
Pendant notre échange, Laura nous dit qu’elle s’est beaucoup interrogée sur sa posture. Si elle leur a d’abord demandé beaucoup de confidences à travers un groupe WhatsApp où ils devaient lui laisser des traces de leur quotidien à travers des audios et messages, elle s’est par la suite rendue compte qu’elle devait faire de même et s’impliquer de la même façon.
“On vit l’aventure ensemble donc moi aussi, je vais me mouiller et participer à l’exercice en disant comment je me sens par rapport aux étapes du film, mes peurs, mes victoires. Je pense que c’est important qu’il y ait de la réciprocité dans la confidence. Parce qu’on ne peut pas se confier et se livrer avec autant de générosité sans que la personne en face fasse de même”
La période de tournage s’est étalée sur un temps long, pendant plus de deux ans, créant un lien fort entre chacun·e.
S’affirmer pour être une femme dans le milieu de la réalisation
Présenter La Chrysalide est porteur de sens pour Laura. Le fait d’être une femme dans ce domaine n’a pas été un chemin facile d’après son expérience qu’elle qualifie de “bataille” avec certains acteurs du milieu. Ces freins, Laura a pu les surmonter grâce à énormément de travail et d’affirmation pour assurer sa place, et également grâce à une équipe qui l’a épaulée. Notamment avec un chef opérateur qui avait déjà travaillé avec des femmes réalisatrices et connaissait les questions de légitimité que Laura pouvait se poser. “Il m’a vraiment épaulée, écoutée et aidée à prendre ma place.”
Être présente au festival Femmes en Montagne a été très symbolique dans son parcours de réalisatrice. Cette année, Laura Lardeux nous fera l’honneur de faire partie du jury du festival 2025. Les dates et informations sur la 6ᵉ édition du festival de films Femmes en Montage sont à retrouver ici.
Une interview à retrouver en vidéo sur Instagram.