Par Nathalia Geber et Clara Seraglini
Le week-end des 11 et 12 janvier 2025, une fois n’est pas coutume, ce n’est pas pour la montagne, mais pour la capitale que l’équipe de bénévoles de Femmes en Montagne a fait son sac. À Paris, se tenait le salon de l’escalade 2025. Retour sur cet événement pour celles et ceux qui l’ont manqué.
Le salon de l’escalade en quelques mots
Le salon de l’escalade fête ses cinq ans cette année ! Initié à Lyon, le salon de l’escalade s’est déplacé à Grenoble avant d’arriver à Paris. Une bonne occasion pour l’équipe de réaliser une excursion d’un week-end dans la capitale.
Le programme annonçait un salon “dédié à toutes les Verticalités, aux échanges et interactions de tou·te·s types entre grimpeur·se·s débutant·e·s ou aguerri·e·s, pratiquant·e·s loisirs, compétiteur·rice·s ou professionnel·le·s, expert·e·s ou amateur·rice·s avides de découvrir, partager, acheter, grimper, tester et s’informer.” Comment résister à ce salon inclusif ? Avec 42 % de pratiquantes féminines en escalade, la verticalité peut définitivement espérer atteindre la parité d’ici peu !
Cerise sur le gâteau : les deux ambassadeur·rice·s de cette année n’étaient autres qu’Oriane Bertone et Alain Robert, deux emblèmes du sport !
Un salon décliné au féminin ?
Les organisateur·rice·s annonçaient un salon décliné au féminin et c’est pari tenu. Un grand merci aux équipes ! La présence d’Oriane Bertone a été un réel avantage car elle a amené de la jeunesse et de la diversité dans la pratique. Quelle émotion de voir des jeunes filles s’en aller avec des étoiles dans les yeux, rêvant de devenir grimpeuses et convaincues d’en être capables : un des moments magiques de ce salon ! En plus de cette ambassadrice, les organisateur·rice·s ont invité de nombreuses associations féminines au salon – Grimpeuses, Women’s Bouldering, Femmes en Montagne – ce qui a permis de nombreux échanges enrichissants. À cela, s’ajoutaient une compétition féminine et des conférences variées, présentées plus loin.
Femmes en Montagne, une présence remarquée sur le salon
Quelle joie pour toute l’équipe d’avoir été conviée à ce salon et d’y retrouver autant d’initiatives en faveur de la mixité dans l’escalade ! Ce week-end a été l’occasion d’échanger avec d’autres acteurs et actrices du milieu, partager nos expériences et découvrir de nouveaux projets inspirants. Et quelle fierté de voir que Femmes en Montagne grandit : sur de nombreux stands, plus besoin de présenter l’association, mais plutôt d’échanger directement sur nos actions et nos projets à venir. Une belle motivation pour la suite !
Le Rock Tour
Globe Climber proposait à nouveau un Rock Tour avec une compétition féminine. Les exploits des cinq finalistes étaient à couper le souffle et elles n’avaient rien à envier à la compétition masculine ! Chacune nous en a mis plein la vue grâce à ses compétences et son talent. N’hésitez pas à retrouver les images de la compétition sur le compte Instagram du Salon . Encore toutes nos félicitations à la gagnante Clothilde Morin, que vous pourrez bientôt découvrir dans l’un de nos prochains portraits.
Des conférences sur les femmes en montagne
Si seulement deux des dix-huit conférences étaient spécifiquement consacrées à la pratique féminine, de nombreuses interventions ont, d’une manière ou d’une autre, abordé les questions liées à la place des femmes dans l’escalade. C’est l’association Le Cinoche, en partenariat avec Vertige Media, qui a enregistré chacune d’entre elles. Pour en savoir plus sur le lien entre l’escalade et la biodiversité, l’escalade et le financement, l’escalade et la politique ou encore l’escalade pour toutes et tous, rendez-vous prochainement sur le site de Vertige Media. Vous y trouverez également plusieurs vidéos consacrées aux pratiques féminines.
Une histoire de l’Alpinisme au féminin
La conférence Une histoire de l’Alpinisme au féminin nous a permis de revoir Stéphanie et Blaise Agresti, jury du Festival en 2024, qui venaient présenter leur livre au salon. Une bonne manière pour rappeler à chacun·e l’objet de leur démarche. En effet, s’iels ont écrit Une histoire de l’Alpinisme au féminin, ce n’est pas pour réécrire l’Histoire, mais bien pour donner, enfin, leur place aux femmes ! Contrairement aux idées reçues, elles cohabitent depuis toujours avec la montagne. Il s’agit donc d’une première étape avant de pouvoir rédiger l’Histoire de l’Alpinisme, celle des humains et non plus des femmes ou des hommes.
Si la démarche leur est apparue essentielle, c’est qu’on connaît peu, voire pas du tout, les exploits féminins réalisés aux sommets. Pourtant, ils sont tout aussi impressionnants que ceux réalisés par les hommes. Il s’agit donc de rendre hommage à ces femmes, de la même manière qu’on rend hommage aux hommes. Il ne s’agit donc pas de distinguer, mais bien de rassembler.
Ce projet est porteur de sens, surtout dans un monde où les guides de montagne sont encore peu nombreuses (2,5% en 2024) et où la Haute Montagne ne semble pas encore accessible à chacune. Ce livre, en plus de rassembler, propose une déconstruction systémique intéressante en interrogeant les idées reçues et les discours qui paraissent insignifiants alors qu’ils ne le sont pas.
Briser les plafonds de verre en escalade : une conférence engagée
Lors de cette conférence, Pierre-Gaël Pasquiou, fondateur de Vertige Media, a orchestré les échanges entre Aurélia Mardon, sociologue, Caroline Ciavaldini, grimpeuse professionnelle et fondatrice de l’association Grimpeuses, et Sophie Berthe, grimpeuse et activiste. Ensemble, elles ont partagé leurs analyses sur les plafonds de verre en escalade et questionné l’intérêt d’organiser des événements exclusivement féminins.
L’escalade, un milieu inscrit dans des logiques de domination sexistes
L’escalade pourrait sembler être un milieu avancé en matière de parité, mais il reste encore loin de l’égalité. La discipline reflète et perpétue les systèmes de domination où de nombreuses violences se produisent, et n’échappe pas aux injonctions faites sur le corps féminin ni aux logiques spatiales genrées.
Comme l’explique Aurélia Mardon, les dynamiques de domination se mettent en place dès l’adolescence :
- Les garçons sont encouragés à se dépasser, à prendre des risques.
- Les filles, en revanche, sont incitées à privilégier la technique et la prudence.
Cette différenciation se traduit aussi par une répartition genrée des espaces d’escalade : les hommes s’orientent vers les dévers et les voies engagées, tandis que les femmes évoluent davantage sur les dalles, sans toujours oser s’imposer dans les zones considérées comme « masculines ». Malgré une présence féminine grandissante dans les salles d’escalade, les postes à responsabilité restent majoritairement masculins, notamment chez les ouvreurs et ouvreuses, ces dernières étant encore largement sous-représentées.
Tous ces enjeux sont approfondis dans son ouvrage Prendre de la hauteur. Escalade et fabrique du genre à l’adolescence.
L’activisme comme moyen de remise en question
Sophie Berthe appuie le constat d’Aurélia en évoquant son engagement à travers plusieurs initiatives :
- Le mouvement « Balance ton grimpeur », qui vise à libérer la parole sur les violences sexistes et sexuelles vécues dans le milieu de l’escalade.
- « Ceci est un torse », une action menée au Camp de Base à Bruxelles, où les femmes étaient invitées à grimper torse nu le temps d’une soirée, en réponse à la normalisation des hommes grimpant torse nu sans que cela ne soit remis en question.
Ces actions soulignent l’importance de remettre en cause les normes établies et de rééquilibrer l’occupation des espaces en escalade.
Caroline Ciavaldini, quant à elle, met en avant le pouvoir de l’action et des événements au féminin. Elle a fondé Grimpeuses pour offrir aux femmes, ainsi qu’à toute minorité de genre, un espace d’émancipation à travers l’escalade, avec l’idée que cette prise de confiance puisse rayonner bien au-delà du mur. En tant que grimpeuse professionnelle, elle a pris conscience du rôle essentiel de ces événements dans la construction et l’affirmation des femmes dans ce sport. Malgré les obstacles rencontrés au lancement de l’association, elle insiste sur la nécessité de démocratiser la pratique : oui, il y a besoin de femmes en escalade, et elles ont toute leur place dans ce milieu.
L’empowerment comme solution ?
Les trois intervenantes s’accordent sur l’importance de la mixité choisie comme outil d’empowerment, ou « empuissancement » en français. Ces espaces permettent aux femmes de se réapproprier leur corps, les espaces et leur puissance, sans être freinées par des dynamiques de domination autant dans l’escalade que dans leur vie en général.
En clôture de la conférence, les trois interlocutrices invitent le public à une réflexion personnelle : prendre conscience de sa place dans la société, de ses privilèges ou de leur absence, se responsabiliser et s’éduquer.
Vers une meilleure féminisation
Le chemin vers une escalade plus égalitaire est encore long, mais les lignes commencent à bouger. Le monde de la grimpe se questionne, se responsabilise, et le Salon de l’Escalade en est un parfait exemple !
L’équipe a ainsi eu l’opportunité de rencontrer des figures clés de la discipline, d’échanger avec ses partenaires et, surtout, de rêver à une escalade plus inclusive et égalitaire.
