Comment atteindre des sommets ? « Ensemble » ! Sept femmes, membres de l’association BINKADI-SO, et le réalisateur Adrien Scat, en attestent à travers leur projet d’ascension du Kilimandjaro. Fatou, l’une des fondatrices de l’association, et Adrien nous partagent la réalisation de leur premier long-métrage « Au Sommet », ayant reçu la Mention Spéciale du Jury 2024 lors de la 5ᵉ édition du Festival de films Femmes en Montagne.
Par Line Worms
Un engagement précoce
À l’origine, BINKADI-SO (la maison de l’harmonie) est une association fondée par cinq jeunes filles d’à peine 12 ans, à Villejuif, en Île-de-France. Elles mettent en place des projets de solidarité locaux et internationaux. « On a toujours eu cette soif de s’engager, de porter les autres avec nous, et ce goût du challenge, c’est donc pour ça qu’on s’est lancées dans cette ascension ! » nous explique Fatou, bien qu’elles ne soient pas issues du monde de la montagne ou spécialisées dans le sport.
Sortir de l’entre-soi
Lors du festival FEM, le film « Au Sommet » a été partagé pour la première fois en dehors de l’Île-de-France, à Annecy. À cette occasion, l’équipe réalise l’impact différent qu’il suscite en fonction du public et du lieu de projection. Ce film « on l’a créé par rapport à nous, notre entourage, des gens qui ne connaissent pas la montagne, pour les sensibiliser à ce milieu et les inviter à sortir. À l’inverse, se retrouver en Haute-Savoie, entourés de personnes qui connaissent déjà la montagne, permet peut-être de les sensibiliser à notre réalité. »
C’est d’ailleurs ce que souligne Blaise Agresti, guide de haute montagne et membre du jury en 2024, à propos de ce film : « Arrêtons de penser qu’un travail ne doit s’adresser qu’aux initiés. Le film « Au Sommet » porte un message plus profond et universel que j’encourage : celui de sortir de sa condition sociale et de ses croyances, plutôt que d’être dans une narration de l’entre-soi ».
Ensemble pour atteindre des sommets
Au-delà d’avoir montré la possibilité d’accéder à cet environnement naturel lorsque l’on vient d’un milieu urbain et différent, l’équipe est heureuse et fière de réaliser auprès du public, que le message essentiel et fondateur de l’association BINKADI-SO est retenu : « La solidarité et la force du groupe ». Leur rêve est né d’une volonté de prouver « qu’ensemble, on peut atteindre des sommets ». Et pas seulement en montagne, quel que soit l’environnement, comme le précise Adrien Scat : « Le mot du film finalement, c’est ENSEMBLE et c’est le dernier mot du film. Je pense qu’elles sont aussi inspirantes à Villejuif qu’en montagne ».
Spontanéité peut rimer avec grand projet !
Leur rêve en tête depuis des années, l’équipe de femmes est presque au complet ! En janvier 2023, il ne leur manque plus qu’une personne qualifiée pour prendre en charge la réalisation du film. À travers les réseaux sociaux, Fatou prend contact avec Adrien pour lui proposer de gravir le Kilimandjaro l’été suivant. Sa réponse se fait sans attendre, il est partant ! Ce projet et leurs valeurs coïncident respectivement. « Il a vraiment compris l’énergie du groupe et le message qu’on souhaitait faire passer ! C’était deux mois avant de se lancer dans le voyage, donc on ne se connaissait pas du tout ! » nous raconte Fatou, amusée.
Se donner les moyens d’y arriver
Une fois engagé, Adrien a compris qu’il ne fallait surtout pas négliger la préparation physique et mentale pour un projet d’une telle envergure et être capable de se concentrer sur la réalisation. Le film nous embarque depuis les prémices de l’organisation jusqu’à l’ascension « parce que c’était une partie hyper importante, pour montrer que même si elles ne sont pas forcément des sportives ou grandes sportives, il a fallu se préparer. Et c’est ce qu’elles ont fait ! ». Toute l’équipe s’est sérieusement entraînée aux enjeux qui les attendaient, y compris à faire face à l’hypoxie en montagne.
Le mental mis à l’épreuve
Les jeunes femmes appréhendaient leur condition physique. Pourtant, tout au long de l’ascension, elles se rendent compte de l’importance majeure du mental. « Il fallait vraiment continuer à avancer, dans la difficulté et toujours en groupe. Au début, j’étais vraiment concentrée sur la préparation physique pour réussir à atteindre tel ou tel objectif. Mais sur place, c’est clairement le mental qui a fait la différence » nous confie Fatou.
Un « Backstage » aux petits oignons
« Et ce sont les guides aussi ! » ajoute Fatou pour ne pas oublier l’importance des accompagnateurs durant l’expédition. Le groupe initial a été soutenu par trois guides, un cuisinier et vingt-sept porteurs (soit trois par personne), notamment chargés d’installer les tentes avant leur arrivée. « Un travail exceptionnel ! Ce n’est pas juste nous, mais tout le backstage qu’il y a derrière qui a permis que l’on puisse arriver toutes et tous au sommet ! ».
Les coulisses d’une réalisation minimaliste
« Tout seul, du début à la fin pour la réalisation, le cadrage et le montage ! » nous explique Adrien en riant. Photographe et vidéaste, engagé dans des associations en France et en Afrique de l’Ouest, le réalisateur a relevé un beau défi pour son premier documentaire, avec les femmes de BINKADI-SO. Il a souhaité s’engager autant qu’elles sur ce projet afin d’offrir « le meilleur produit final, avec les moyens du bord ».
« Faire le premier pas pour lancer la machine et aller au bout de ses rêves »
La montagne comme allégorie de la vie, Fatou nous l’adresse pour nous inspirer à travers leur expérience. « Chaque étape compte et quand on s’en donne les moyens, quand on est déterminé, on peut atteindre des sommets » précisant « chaque personne a un sommet différent ». Aller au sommet, ce n’est pas seulement l’ascension d’une montagne. Fatou continuera à travers l’association BINKADI-SO à encourager et à porter ceux qui souhaitent réaliser leur projet. Que ce soit en montagne ou en forêt de la région parisienne, sortir fait du bien. C’est bien ce qu’elle souhaite susciter, rendre les sports en extérieur et en nature plus accessibles pour tout type de public, notamment féminin, son association étant composée de femmes à 90 %.
Adrien nous partage aussi ce qu’il a appris de précieux sur ce chemin. Il ne sert à rien de se dépêcher, de vouloir tout, immédiatement. Tout prend du temps, mais petit à petit, en faisant un pas après l’autre, même lorsque le physique et le mental sont diminués, « on peut aller vraiment loin » et atteindre ses objectifs.
« Polé Polé », doucement doucement, cette phrase que les guides répétaient à l’équipe tout au long de l’aventure, Adrien la reprend, comme un mantra, pouvant s’appliquer au quotidien quel que soit le projet ou l’environnement dans lequel nous nous trouvons !
Une interview à retrouver en vidéo sur Instagram.
